Sous la surface de l’eau puis sous l’influence de l’air
une bombe atomique est le contraire d'une baleine
leurs formes à la fois organiques et vaporeuses
leur supposent famille commune
on n'a qu'à penser au pyrocumulus
qu'on retrouve à la formation d’une explosion nucléaire
pour le comparer aisément
au panache expulsé par l'évent d'un cétacé
tous deux se composant d'air chaud mêlé de vapeur d'eau
cependant, il va sans dire
l'impureté de l'une et la pureté de l'autre
entrent en conflit
l'une création humaine donc sociale
l'autre divine
babélique
c'est chose connue
similaire est leur propension à la décompression
opposée est leur visée naturelle
on verrait mal exploser une baleine
sur un champ de bataille
à l'aube des guerres atomiques,
il n'y a pas de carcasses de baleine
ni sur le sol de Nagasaki ni sur celui d’Hiroshima,
en octobre 1962, pendant La Crise des Missiles,
Cuba n'a jamais menacé de larguer une baleine
sur le territoire des États-Unis,
aucune baleine n’a été impliquée durant la Guerre Froide
non, les baleines explosent légèrement et
sporadiquement, en haute mer, mais c'est tout
l'hippopotame pour sa part est un drôle d'animal
une baleine qui a su se sortir de l'eau
l'eau trouble, vaseuse, opaque, usagée,
pleine de péril
un animal à la posture préhistorique
gardant des relents du passé
au creux de ses plis épais et graisseux
durs comme de la roche
un oubli de l'évolution
le chaînon manquant entre la bombe atomique et la baleine
comme s'il y eut d'abord
la baleine, puis l'hippopotame et finalement la bombe atomique
sorte de décalcomanie imprécise
un entre-deux
malheureusement l'illustre animal
est dépourvu d’un trou dans le crâne
lui permettant d'exulter, bon an mal an,
contrairement à son prédécesseur génétique
ou d’une composante explosive gargantuesque
contrairement à sa nouvelle peau qui l’attend
comme un volcan sans orifice
soit il amasse de la poussière de cendre
ou comme le poids d’un bombardier
soit il attend de heurter un sol trop fragile
il sera toujours sans possibilité extraordinaire d'extraction
ainsi la baleine perfore un ciel d'eau claire
la bombe atomique un humus s'obscurcissant
faces, recto verso, d’un miroir d'obsidienne
le reflet grossissant placé entre les deux éclate
mélange d’ombre et de distorsion à mi-chemin entre les cris
c'est à cet instant que sort de l'eau
– fracassant la glace qui happe
marchant horizontalement
posant pattes à terre
définissant une nouvelle race
avec son lot d'inquiétudes –
et que naît, que naît l'hippopotame
pris entre deux ferments
une fumerolle se libère lentement
je me sens comme un immense hippopotame
je me dis le passé n'existe pas
il n'y a qu'un présent déformé
multiplié par les perspectives
je m’en convaincs
je me dis il en va de même pour le futur
alors arrête de te penser placé ailleurs dans les arcanes
du temps
je me sens comme un immense hippopotame
qui ne sait si son ossature
ne servant qu’à exsuder
ce lavis inapproprié
ces articulations en bribes
ce corps en cavale, dormant dans sa propre litière,
se détériore ou se transmute
je me dis je ne voudrais causer la destruction
des nappes phréatiques me constituant
je me dis le cœur est au corps une mécanique des fluides
un raz-de-marée
je me submerge totalement sous l'eau, coupé d’extérieurs
je résiste à l’attraction dans l’habitat englobant de jadis,
dans l’âpre illusion, dans l'eau bouillante, l'océan à l'envers,
le vide humide
je me fossilise et récupère de plus en plus ma forme primitive
laissée pour contre — un derrière soi —
et mes veines sableuses — hippopotame, hippopotame —,
espérant ainsi que les feux d'entrailles, aussi durs que le magma,
s'éteignent en moi par la pression exercée par l’eau — je chante
des chants vaudou, le temps d’un songe
je manque à l'appel — coincé dans le passé qui n’existe pas,
dans le creux nu, dans le futur a capella,
dans le ciment mou, dans l’article
de la mort
je me sens
immense hippopotame
inerte
noyé
manquant d'air, manquant de courage,
peureux, incapable d'exploser et sentant jaillir
le souffle qui me gonfle peu à peu
peu à peu
j'emmagasine un poids lourd d'intérieurs
et je me baigne
je me baigne dans la piscine de l'enfance
je suis gros, je suis trop gros, je suis immensément gros
je fais déborder l'eau de la piscine de l'enfance
je suis ce geyser bouillonnant sous terre
puni par la force de la nature
l'air pur a parfois des parois intangibles mais sensibles
qui miroitent tout autour
et empêchent le buveur d'air de respirer
et je me dis et si je
n’explose pas
maintenant
j’exploserai
incorrectement je me dis
et si
je n’explose pas
maintenant j’exploserai
incorrectement je
me dis et si je n’explose
pas maintenant
j’exploserai incorrectement
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